I - PREMIERE ETAPE : JE RETROUVE MES SENSATIONS ALIMENTAIRES. part1
Nous
allons décomposer cette première étape en deux périodes. La première
consistera à seulement observer sa manière de manger pour mieux la
comprendre. La seconde à tenter de manger selon sa faim.
A - Première période : 15 jours pour s'observer et commencer à comprendre
Voici les trois premières mesures à appliquer dans la première période :
Tenir un carnet alimentaire.
Manger plus lentement.
Manger sans rien faire d'autre.
Cette première étape vous prendra quelques semaines durant lesquelles
vous utiliserez un carnet alimentaire pour y consigner vos observations
sur votre manière de manger. Voici le modèle que je vous propose
d'utiliser.
HEURE
LIEU
AVEC QUI
QUOI
ET
COMBIEN
COMMENTAIRES
* En faisant quoi ?
...
* Faim et Satiété
* Envies de manger
* Situations ou personnes qui vous incitent à manger plus.
Inscrivez dans la première colonne le contexte dans lequel se déroule
votre repas ainsi que toute autre prise alimentaire. L'heure, le lieu
et les personnes avec lesquelles vous vous trouvez. Si pendant que vous
mangez, vous menez simultanément une autre activité notez-là également
: télévision, lecture, travail, radio, ménage... Dans la seconde
colonne, inscrivez les aliments que vous avez consommés et leurs
quantités approximatives, en unité, en cuillère à soupe, en centimètre,
en gramme... Dans la dernière colonne, vous rapporterez comment le
repas s'est déroulé. Il s'agit là d'apporter certaines informations
précises. Avant de commencer à manger, aviez-vous faim ? Une fois le
repas terminé, vous sentiez-vous correctement rassasié ou aviez-vous
l'impression d'avoir trop mangé, ou pas assez? Avez-vous renoncé à
manger des aliments dont vous aviez envie ? Ces envies peuvent porter
sur la nature des aliments (je voulais prendre des pommes de terre
sautées mais j'ai choisi les courgettes) ou sur la quantité des
aliments (j'aurai voulu me resservir mais je m'en suis empêché). Enfin,
vous tenterez de repérer toutes les situations dans lesquelles vous
avez conscience de trop manger. Il peut s'agir de situations festives
ou conviviales ou d'émotions négatives, de fatigue...
Dans le même temps, pour mieux vous observer, je vous suggère de vous
consacrer le plus complètement possible à vos repas en vous astreignant
à ne rien faire d'autre pendant que vous manger, à prendre votre temps
chaque fois que cela sera possible et à manger plus lentement.
Tous les exercices dont nous nous servirons sont de la plus grande
simplicité. Et pourtant, vous verrez que certains vous mettront en
grande difficulté. C'est précisément leur raison d'être. Ils sont
destinés à jouer le rôle de révélateur et faire apparaître les
obstacles qui vous empêchent de manger selon votre faim. Par
conséquent, ne vous inquiétez pas d'échouer sur ces exercices, c'est
justement la mise en évidence de vos difficultés et leur compréhension
qui vous feront le mieux progresser.
Premières observations
Après les deux premières semaines d'observation, il vous faut
maintenant analyser ce carnet. Voici quelques questions simples
auxquelles vous essaierez de répondre.
— Avant les repas, vous êtes-vous parfois rendu compte que vous n'aviez pas faim ?
— La faim et l'envie sont-elles pour vous des sensations distinctes ?
— Après les repas, vous êtes-vous parfois rendu compte que vous aviez trop mangé ?
— Dans ce cas, en avez-vous pris conscience au cours du repas ou seulement après ?
— Au cours de cette période, avez-vous éprouvé des envies de manger auxquelles vous n'avez pas voulu céder ?
— Quelles sont les circonstances dans lesquelles vous avez trop mangé ?
Avant de rechercher les situations dans lesquelles vous avez trop
mangé, il serait bon que nous nous mettions d'accord sur ce que nous
entendons par là. Trop manger signifie simplement manger sans faim. Ce
que l'on observe schématiquement dans deux circonstances. Vous pouvez,
en effet :
Commencer à manger sans faim.
Continuer à manger au-delà de votre faim
Les situations les plus fréquentes ont trait à la restriction cognitive ou à des émotions d'autre nature.
Voici une liste qui n'est pas exhaustive, mais qui peut vous donner quelques pistes.
1- L'exposition aux aliments : tant que les aliments ne sont pas sous
vos yeux, vous n'y pensez pas. Vous ne pouvez vous empêcher de les
manger s'ils passent à votre portée. Le seul fait de savoir qu'ils sont
là peut parfois vous mettre en transe.
2- La transgression des interdits alimentaires : vous vous empêchez de
manger certains aliments dont vous pensez qu'ils vous feront grossir.
Mais, dès que vous commencez à en manger, vous ne pouvez plus vous
arrêter.
3- Pour respecter des règles alimentaires : vous vous forcez à manger
le matin pour prendre un petit-déjeuner, pour ne pas sauter un repas,
pour finir le repas par un laitage...
4- Peur d'avoir faim : vous ne mangez pas parce que vous avez faim,
mais par crainte d'avoir faim plus tard ou de craquer sur des aliments
« interdits ».
5- Peur de manquer : vous ne pouvez vous empêcher de finir vos
assiettes, alors même que vous n'avez plus faim. Vous vous comportez
comme si on allait vous retirer votre assiette ou si vous n'alliez plus
manger demain.
6- L'insatisfaction à la fin du repas : vous vous levez souvent de
table en n'ayant plus faim, mais avec la sensation d'un manque.
Généralement une envie de sucré que vous tentez de réprimer, mais que
vous pouvez parfois satisfaire.
Situations liées à d'autres émotions.
Les émotions négatives vous font manger. Dans ce cas, il vous sera très
utile d'essayer de nommer ces émotions (colère, tristesse, déception,
frustration, anxiété...) et de rapporter les circonstances de leur
apparition.
Les premières difficultés.
Certaines personnes ne parviennent pas à tenir le carnet alimentaire.
Ce dernier se transforme en un miroir dans lequel il ne fait pas
toujours plaisir se regarder. Si c'est le cas, n'en faites pas toute
une affaire. Ne pas écrire n'empêche pas de réfléchir et de se poser
des questions. Commencer vos observations et vous essaierez de
reprendre le carnet alimentaire un peu plus tard.
Certaines personnes vont prendre conscience qu'elles ne peuvent manger
sans faire autre chose en même temps. Elles doivent en chercher les
raisons. Celles-ci peuvent être matérielles. Leur vie professionnelle,
familiale, sociale est si envahissante qu'elle ne leur laisse plus le
temps de manger. Est-ce un choix de leur part ou subissent-elles cette
situation ? D'autres ressentent le besoin de s'occuper durant les repas
pour échapper à des pensées ou des émotions trop pénibles : la
culpabilité de manger des nourritures interdites, la tristesse de
prendre ses repas dans la solitude, le souvenir de scène de repas
difficile durant leur enfance...
Quoi qu'il en soit, toutes ces difficultés ont des raisons qu'il est important de comprendre pour mieux les surmonter.
— Vous n'avez jamais faim avant de manger. Il est bien possible que le
repas précédent soit trop proche ou trop copieux pour laisser à la faim
le temps de réapparaître.
— Vous avez toujours faim avant de manger. Les personnes en état de
restriction calorique réelle et donc de carence énergétique peuvent
effectivement se trouver dans une telle situation. Pour toutes les
autres, il est plus probable qu'elles ne sachent pas distinguer leur
faim de leur envie de manger.
— Vous ne différenciez pas la faim de l'envie de manger. Si vous n'êtes
pas certains de ce que vous ressentez, il vous suffira de sauter un ou
deux repas et d'attendre que les premiers signes se manifestent. Vous
ne les oublierez plus.
— Après le repas, vous n'avez jamais l'impression d'avoir trop mangé.
Là encore, les personnes en état de carence énergétique peuvent
effectivement se trouver dans cette situation. Pour les autres, il est
bien possible qu'elles ne sachent pas reconnaître leur sensation de
rassasiement.
— Vous n'êtes jamais rassasié avant d'avoir fini votre assiette. Vous
n'avez donc aucune raison de laisser de la nourriture. Là encore, cela
semble assez douteux. Il n'existe, en effet, aucune raison pour que
votre satiété coïncide systématiquement avec la fin de votre assiette,
surtout quand vous n'en avez pas vous-même déterminé les portions.
Votre faim devrait parfois vous conduire à manger en deçà ou au-delà
des portions servies. Il est bien plus probable que vous ne perceviez
pas le rassasiement.
— Après le repas, vous avez l'impression d'avoir trop mangé. Il est
possible que vous en preniez conscience au cours du repas, mais que
cela ne suffise pas à vous arrêter. Il est également possible que vous
ne le réalisiez qu'une fois le repas terminé, vos sensations ne vous
ont pas alerté à temps.
— Après le repas, vous vous dites que vous avez trop mangé. Vous vous
dites que vous avez dû trop manger, mais vous ne le ressentez pas.
C'est une position mentale, caractéristique de la restriction
cognitive. Vous établissez des quantités que vous ne devez pas dépasser
ou vous vous imposez de ne manger que certains aliments. Vous pensez
donc avoir trop mangé quand vous transgressez vos règles.
— Vous avez faim mais n'éprouvez aucune envie de manger. La disparition
du désir de manger est souvent interprétée comme un symptôme dépressif.
Mais il peut aussi apparaître comme un symptôme de la restriction
cognitive. Vous éprouvez la faim mais les aliments qui vous tenteraient
vraiment vous sont interdits car vous pensez qu'ils vous feront
grossir. En revanche, ceux que vous vous obligez à manger ne vous font
aucunement envie.
— Vous n'avez jamais l'impression de manger sans faim. Vous avez
toujours faim avant de manger et vous n'avez jamais l'impression
d'avoir trop mangé quand votre repas est fini. En somme, vous êtes
convaincus de manger juste à votre faim. La situation est plutôt
embarrassante et peut s'interpréter de différentes façons selon
l'évolution de votre poids :
a. Vous maigrissez. Vous avez donc sans doute raison. Votre
alimentation n'excède pas vos besoins et vous ne mangez
qu'occasionnellement trop.
b. Vous grossissez. Votre alimentation excède donc vos besoins. Il est
certain que vous mangez trop sans en avoir conscience. Vos sensations
sont très imprécises, vous ne pouvez pas vous y fier.
c. Vous êtes stable. Soit votre alimentation excède encore vos besoins
et, peut-être, ne le réalisez-vous pas. Dans ce cas, sans être très
excessive votre alimentation reste suffisante pour entretenir un
surpoids. Soit, voilà la mauvaise nouvelle, votre alimentation
correspond à vos besoins et le poids que vous avez actuellement
correspond à celui que vous devrez conserver. Vous ne pourrez trancher
la question qu'en poursuivant les exercices sensoriels.
B - Deuxième période : manger selon sa faim
Au terme de cette période d'observation, on peut assurer que vos
sensations alimentaires manquent de précision ou que vous ne pouvez pas
à en tenir compte. Vous mangez alors que vous savez que vous n'avez pas
faim ou vous êtes incapables de vous arrêter quand vous êtes rassasié.
Vos sensations ne jouent donc plus leur rôle qui est de vous indiquer
quand commencer et quand vous arrêter. Nous allons faire en sorte de
leur rendre leur emploi. Voici donc un exercice qui consistera pour
vous à tenter de manger selon votre faim
MANGER SELON SA FAIM
I - MANGER ATTENTIVEMENT
1- Manger sans autre activité.
2- Se détendre avant et pendant le repas.
3- Utiliser des petits couverts à la maison.
4- Poser les couverts toutes les 3 bouchées.
5- Finir le (la) dernier (e).
II - QUESTIONNEMENT SENSORIEL
1 - Ai-je faim et / ou envie de manger ?
2 - Est-ce que ça me plaît ? Plaisir gustatif.
3 - Ai-je assez mangé ? Satiété.
III - PROCEDURE DE CHANGEMENT
3 étapes :
A - Observer les sensations (questionnement sensoriel)
B - Essayer d'en tenir compte.
C - Si vous n'y parvenez pas, préciser dans quelles circonstances ?
Il vous sera beaucoup plus facile de prendre conscience de ce que vous ressentez si votre attention est concentrée sur votre repas. Pour cela quelques mesures simples vous aideront. Prendre quelques grandes respirations abdominales avant et au cours de repas pourra s'avérer utile. Les petits couverts aideront ceux qui ne savent pas laisser de nourriture dans leur assiette. Avant de se resservir, ils les obligeront à se demander s'ils ont encore faim. Dans tous les cas, il s'agit seulement de créer un sas d'attention pour mieux percevoir les sensations alimentaires.
Chaque fois que vous mangerez, vous vous poserez trois questions simples :
— Ai-je faim et/ou envie de manger ? Quatre combinaisons sont
possibles. La plus agréable est celle qui permet d'avoir faim et envie
de manger en même temps. Pour le moment, il s'agit seulement de savoir
distinguer toutes ces situations.
— Ai-je du plaisir ? Attention, il ne s'agit pas de savoir si ce que
vous mangez est bon mais si cela vous procure du plaisir gustatif. Ce
qui est très différent. Si, à un moment où vous n'avez ni faim ni envie
de manger, vous deviez manger votre gâteau préféré, il ne vous
apporterait que très peu de plaisir. Il vous suffirait cependant
d'attendre quelques heures, le temps que la faim revienne, pour que le
plaisir augmente. Entre temps, le gâteau n'aurait pas changé. Ce serait
toujours le même et il serait toujours aussi bon. En vérité, c'est vous
qui avez changé. Votre faim s'est manifestée. Le plaisir gustatif n'est
donc pas en rapport avec le gâteau que vous venez de manger mais avec
votre faim. Le même phénomène s'observe au cours des repas où vous
devez constater que les premières bouchées du plat vous apportent plus
de plaisir que les dernières. Là encore, ce n'est pas le plat qui
change. C'est vous qui êtes différent. Vous êtes en train de vous
rassasier. Quand le plaisir a disparu, vous êtes rassasié de ce plat et
vous pouvez passer au suivant si vous avez encore faim. Quand la faim
et l'envie de manger ont disparu vous êtes totalement rassasié, le
repas est terminé. La satiété s'installe jusqu'au repas suivant. Ainsi
le rassasiement correspond à la disparition du plaisir gustatif et n'a
rien à voir avec la sensation de ventre plein.
— Ai-je assez mangé ? Le mangeur considère qu'il est rassasié quand sa faim est apaisée et que ses envies sont satisfaites.
Reprenons maintenant ces explications sur un schéma, et voyons aussi
comment les choses peuvent parfois se passer tout autrement.